Interview Markus Maria Profitlich

«Jouer au Mikado, s’avère plus compliqué»

Autor: THOMAS RÖBKE

Il y a six ans, Markus Maria Profitlich, 64 ans, rendait publique sa maladie de Parkinson. Pour faire face, il s’appuie sur les échanges avec d’autres patients et sur sa foi.

L’humoriste et acteur, Markus Maria Profitlich plaisante même sur sa maladie. Dans cette interview, il parle de la manière dont il vit avec celle-ci.

Vous avez la réputation d’être difficile à déstabiliser. Cela a-t-il toujours été le cas, ou bien êtes-vous devenu plus calme au fil années?

Markus Maria Profitlich: J’ai toujours été du genre discret, jamais le clown de la classe. Le diagnostic de Parkinson, il y a sept ans, m’a un peu dérouté, mais je gère cela avec plus de sérénité aujourd’hui.

Vous abordez ouvertement votre maladie sur scène et même dans un livre. Lorsque vous avez eu connaissance du diagnostic, vous n’avez pas dû penser tout de suite: «Je vais en faire quelque chose de drôle…»

Profitlich: Non, cela m’a pris au moins un an. J’ai aussi cherché l’appui de thérapeutes. On ne peut pas surmonter cela seul. J’ai échangé avec d’autres patients, certains atteints de Parkinson depuis 10 à 30 ans. Ça m’a énormément aidé. Aujourd’hui, je connais de nombreux exemples inspirants dans la communauté Parkinson, et je me dis: «Si ça continue comme ça, alors je suis optimiste.»

Êtes-vous très limité par la maladie?

Profitlich: Jouer au Mikado, ce n’est plus vraiment possible, et construire des pyramides de coupes de champagne non plus. De même, je ne vois plus aucune perspective en tant que tireur d’élite ou démineur. Mais je peux continuer à exercer mon métier, et pour cela, je suis très reconnaissant.

Avez-vous eu très peur au début?

Profitlich: Évidemment. Des pensées et des questions difficiles surviennent, comme: «Combien de temps vais-je encore pouvoir travailler?» Les premiers temps n’ont pas été faciles. Les médecins s’affairaient à ajuster et trouver les meilleurs dosages des différents médicaments. Il a fallu aussi faire beaucoup de sport. Cela fait maintenant presque deux ans que j’ai le même traitement, et je m’en porte bien.

Entre temps, vous vous êtes engagé dans des associations de lutte contre la maladie.

Profitlich: Je suis actif au sein de l’association allemande de la maladie de Parkinson et de PingPongParkinson. Il s’avère que le tennis de table est excellent pour les personnes atteintes de cette maladie, en raison de la coordination main-balle. Je joue maintenant depuis deux ans, et je m’entraîne deux fois par semaine, avec des personnes en bonne santé comme avec des personnes malades. Lors des championnats, près de 300 participants de 16 nations se sont affrontés, c’est devenu une histoire vraiment importante.

Vous avez même gagné une médaille, n’est-ce pas?

Profitlich: Oui, l’année dernière, j’ai remporté la médaille de bronze en double dans ma catégorie. Cette année, je n’ai atteint que les demi-finales. Malgré tout, je me suis bien amusé.

Vous avez aussi lancé une application.

Profitlich: Elle s’appelle «Profi’s Motivation». Elle vise à motiver d’autres patients atteints de la maladie de Parkinson à bouger (faire de l’exercice). Elle propose des exercices d’orthophonie, de motricité fine et même des mouvements de danse. Le tout avec une touche d’humour.

Vous avez essayé la danse vous-même?

Profitlich: J’adore danser avec ma femme. Ce que je fais aussi, c’est de la boxe. J’ai essayé cette discipline une fois. J’ai pris un plaisir fou et je veux recommencer très vite.

Cela ressemble presque à un programme à plein temps.

Profitlich: contre la maladie de Parkinson, les médicaments représentent 50% et le sport 50%. On commence par la gymnastique le matin et on doit bouger de temps en temps tout au long de la journée. Ça ne se lit pas sur mon visage, mais je suis très actif. Je faisais d’ailleurs déjà beaucoup de vélo, du VTT. Pour le reste je me tenais à l’écart du sport. Mes nombreux spectacles étaient suffisamment «sportifs» pour moi.

Existe-t-il une sorte «d’humour Parkinsonien»?

Profitlich: dans mon programme, j’évoque le patient atteint de cette maladie qui, au tout début de ma propre maladie, m’a serré la main et m’a dit: «maintenant, nous avons un contact pas très stable (un peu comme un faux contact)!» Quand on est soi-même concerné, l’humour permet de mieux surmonter certaines choses. Déjà à l’époque de «Mensch Markus», je recevais de nombreuses lettres de personnes handicapées qui me demandaient: «pourquoi ne plaisantez-vous pas sur nous?»

«Je suis comme je suis dans les sketches», avez-vous dit un jour. Cela vous oblige-t-il à retirer «votre couche protectrice (vous rendre plus vulnérable)»?

Profitlich: Ma couche protectrice, c’est ma femme. Elle veille sur moi. N’importe qui peut venir me voir à tout moment pour un autographe ou une photo. Mais ma femme remarque quand cela devient trop fatigant pour moi. Elle intervient alors en douceur et veille à ce je puisse faire une pause.

Avant de devenir comédien, votre vie n’a pas été toujours facile. Est-il vrai qu’avant cela, vous avez eu d’innombrables emplois?

Profitlich: J’en ai eu plus de 15, parfois trois à la fois. Je livrais des journaux le matin, je travaillais dans un entrepôt pendant la journée, puis je livrais des médicaments le week-end pour le service d’urgence des pharmacies. J’ai été assistant géomètre, en horticulture, chauffeur de Bofrost, vendeur, j’ai même travaillé au compacteur d’ordures. Mais au moins j’ai terminé un apprentissage de menuisier. Tous ces emplois ont été la meilleure préparation à mes différents rôles.

À l’âge de neuf ans, vous avez quitté la maison pour la première fois à cause de l’école. Où vouliez-vous aller à ce moment-là?

Profitlich: Je voulais prendre le train de Bad Honnef à Hambourg et m’engager sur un bateau à vapeur, comme apprenti cuisinier. Mais je n’ai fait que pédaler jusqu’à Bad Honnef. C’est là que mon grand frère m’a convaincu de rentrer à la maison.

Vous et vos camarades de classe avez été battus par des enseignants pendant des années. Ressentez-vous encore de l’amertume, voire de la haine?

Profitlich: Non, c’est pardonné et oublié, je ne traîne pas ça avec moi. C’était grave, c’était vraiment stupide, mais j’ai vécu beaucoup trop de belles et grandes choses dans ma vie pour laisser ce type d’abjections me gâcher la vie.

Est-ce dû à votre foi?

Profitlich: Bien sûr, cela aide à pardonner, parce que je sais exactement que devant Dieu et devant moi-même, c’est vraiment fini. C’est le plus important pour moi, que ce soit terminé, que cela ne me tire plus vers le bas. J’ai pu (et le peux encore) m’en débarrasser facilement grâce à ma foi.

Et le diagnostic de la maladie de Parkinson? Vous êtes-vous déjà posé la question: «Pourquoi moi?»

Profitlich: Je mentirais si je disais non. Mais Dieu me montre ainsi tout ce que je peux traverser avec lui.

Comment trouvez-vous la force de faire rire, alors même que vous n’en avez pas envie?

Profitlich: Parfois, ce sont les meilleurs spectacles. Lorsque ma femme et moi venons de nous disputer ou si j’ai passé une journée de merde, je redouble d’efforts sur scène. Faire rire les gens dans ces moments-là procure une satisfaction immense, un sentiment de bonheur extrême. Sur scène, c’est du donnant-donnant, c’est un véritable échange. Et pour moi, c’est la meilleure thérapie qui soit.

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