Interview avec Ehrlich Brothers
«Les enfants sont les vrais héros de nos spectacles»
Interview: KATJA TÖPFER
Chez nous, la magie est rarement au rendez-vous. Merci de nous accorder un peu de temps malgré tout.
Andreas: Nous tenions absolument à vous parler de notre nouveau projet, à la croisée de la magie et de la science.
Ce projet s’appelle Magic Moves et combine magie et science. De quoi s’agit-il?
Chris: Pour Magic Moves, nous avons invité dix enfants à un camp de magie au château de Rabenstein. Ces enfants ont tous quelque chose en commun: ils souffrent de ce que l’on appelle une hémiparésie.
C’est-à-dire qu’ils sont hémiplégiques ?
Andreas: Exactement, l’une des causes peut être un AVC. Avec ces enfants, nous voulons découvrir, à travers Magic Moves, si la magie peut aller au-delà du simple divertissement.
Que peut apporter en plus la magie?
Chris: Notre hypothèse était que l’envie de faire de la magie pourrait réveiller des capacités motrices d’une main paralysée. En collaboration avec des neuroscientifiques et une équipe interdisciplinaire de l’hôpital pour enfants Dr. von Hauner du centre hospitalier universitaire de Munich (LMU), nous avons mis au point une série d’expériences magiques. Nous voulions savoir: les capacités de la main paralysée s’améliorent-elles après un entraînement au camp de magie? Et ces progrès sont-ils également lisibles- observés- dans le cerveau?
Vous vous produisez sur de grandes scènes du monde entier. Trois semaines dans un camp de magie avec des enfants, comment cela s’est-il passé?
Andreas: C’était un sacré contraste avec nos shows. L’atmosphère générale dans ce vieux château était absolument magique. Nous avons fait beaucoup d’activités avec les enfants, nous avons visité une fauconnerie, et pratiqué « le vol de la grue » (Qi Gong, méditation et mouvements). Ce qui comptait avant tout, et c’était clair pour nous, c’était que les enfants prennent du plaisir à faire de la magie, qu’ils veuillent absolument apprendre un tour, qu’ils croient en eux. Au début, lors d’une répétition un après-midi, cela n’a pas vraiment bien fonctionné. Nous étions un peu désemparés, et certains enfants doutaient d’eux-mêmes. Le lendemain matin, une fillette est descendue vers nous en courant, rayonnante de joie. Elle nous a dit s’être entraînée toute la nuit et nous a présenté le tour à la perfection, c’était incroyable.
Au début, il y avait une boîte de magie sous le sapin de Noël. Aujourd’hui, les Ehrlich Brothers sont les maîtres de l’illusion.
Quelle a été la conclusion de l’étude Magic Moves?
Chris: Je ne veux pas tout révéler. Le mieux, c’est de regarder Magic Moves sur ZDF. Si la magie fonctionne sur l’hémiparésie, nous aurons peut-être réussi notre plus grand tour de magie.
Vos spectacles sont grandioses. Avez-vous l’impression d’être des héros?
Andreas: Les vrais héros de nos spectacles, ce sont les enfants. Nous sommes des artistes, des sortes « d’amuseurs » alliant la magie aux rêves de notre enfance. Par exemple, il y a ce jouet, le « monster truck » – le camion monstre- qui a longtemps pris la poussière sur une étagère et qui, tout à coup, apparaît sur scène en taille réelle sorti de nulle part. Ou bien, je raconte que j’ai été harcelé à l’école et que je rêvais de pouvoir voler. Et soudain, nous nous élevons comme des papillons et planons au-dessus de la scène.
Chris: Ce qui nous caractérise, c’est que derrière nos grandes illusions, nous racontons toujours une histoire personnelle dans laquelle le public peut se retrouver et qui les touche profondément.
Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance?
Andreas: J’ai récemment visionné de vieilles vidéos de notre enfance. Sur l’une d’elles, on manipulait un lapin en peluche jusqu’à ce qu’il crache un petit nuage de poussière dans l’air. C’est fou le nombre de jours et de mois ou nos parents ont supporté nos tours de magie en tant que public-test. Ma mère a dû regarder 50 fois certains tours de cartes qui échouaient à chaque fois et, pourtant, elle souriait toujours, émerveillée. Cela n’était possible qu’avec beaucoup d’amour.
Votre père aussi vous a beaucoup soutenus.
Chris: Absolument. La magie, c’est aussi de l’artisanat. Avec notre père, nous avons passé des heures dans son atelier à imaginer de nouvelles illusions et à construire des prototypes. Cela nous a énormément rapprochés. Nous voulions absolument devenir des magiciens célèbres, et notre père nous a soutenus dans ce rêve.
Andreas: En 2013, nous avons préparé notre premier grand spectacle. Nous avons dû nous endetter lourdement, car aucun producteur ne voulait financer notre show. Nous avons tout misé, jusqu’à contracter une hypothèque sur ma maison. Mon père y croyait avec nous, il n’a malheureusement pas vécu assez longtemps pour assister à notre succès. Il est décédé en 2013 d’une leucémie. Pourtant, chaque fois que nous montons sur scène aujourd’hui, il est toujours présent, dans nos cœurs.
Comment crée-t-on une illusion parfaite?
Andreas: Tout commence par une idée, une feuille de papier et un crayon. Et surtout, la conviction que l’impossible peut devenir possible. À chaque fois que nous avons cru en une idée, nous avons trouvé un moyen de la réaliser. Nous travaillons avec une équipe d’une quarantaine de personnes dans notre atelier à Bünde, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Des pyrotechniciens, des ingénieurs, des menuisiers, des techniciens travaillent avec nous… Nous commençons par construire et bricoler des prototypes et on ajuste jusqu’à ce que l’illusion soit prête à monter sur scène. En tournée, nous nous déplaçons avec trente énormes camions et une équipe d’environ cent cinquante personnes.
La magie est-elle un travail d’équipe?
Andreas: Tout à fait. C’est ce qui rend le tout passionnant. Chaque détail compte: la musique, la lumière, les effets pyrotechniques. Tout est coordonné à la perfection. Si, au moment décisif, quelqu’un commettait la moindre petite erreur, toute l’illusion serait gâchée. Pour éviter cela, toute l’équipe fonctionne comme une horloge, chacun sachant exactement ce qu’il doit faire et quand.
Arrive t-il souvent que quelque chose tourne mal dans l’émission?
Chris: Rarement. Une fois, au début du spectacle, je devais apparaître sur scène en sortant d’un iPad géant, à moto. La moto s’est renversée et m’est tombée dessus.
Et ensuite?
Chris: L’équipe a retiré le truc de 300 kilos qui m’écrasait. Je me suis secoué brièvement, j’ai vérifié que tout allait bien, et j’ai terminé le spectacle avec un genou enflé.
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